Que vous souhaitiez obtenir une augmentation ou discuter d’une mutation, finaliser l’achat d’un bien immobilier, conclure un contrat important avec un nouveau client, ou encore résoudre un conflit avec un partenaire, il faudra mettre à contribution vos talents de négociateur. Coach, consultant et formateur expert en négociation, Lionel Bellenger est l'auteur des ouvrages Négociez comme un pro, Les fondamentaux de la négociation et La bible du négociateur dans lesquels il vous aide à acquérir les bons réflexes et les attitudes justes pour devenir un vrai pro de la négociation.
Lionel Bellenger nous dévoile ici le concept des 3C (Comprendre, Convaincre, Concrétiser), trois étapes essentielles à connaître pour mener à bien toutes vos négociations.
À quoi reconnait-on quelqu’un qui négocie comme un pro ? À travers le mot « pro », professionnel, il faut entendre une certaine rigueur, un esprit de méthode et la volonté de garder le contrôle des échanges. Se préparer, c’est la partie invisible de la négociation, objet de bien des négligences. Le manque de temps est souvent indiqué, mais il y a aussi beaucoup d’approximations.
Par exemple, beaucoup d’acteurs se lancent dans la négociation comme dans une discussion à bâtons rompus. Or la discussion est une pratique sociale louable (et même souvent agréable) mais elle n’a pas grand-chose à voir avec la négociation. Discuter c’est prendre du plaisir (on l’espère !) à exposer son point de vue, développer son raisonnement et ses arguments, exercer son sens de la repartie pour réfuter d’éventuelles objections. Le débat est en ce sens une pratique sociale respectable dans une culture démocratique. Elle diffère de la négociation en ce sens qu’elle s’en tient à un échange, un partage, parfois une joute oratoire. Négocier c’est chercher une convergence et se mettre d’accord sur une décision avec la meilleure qualité d’adhésion possible. Ce n’est pas seulement montrer du plaisir à avoir raison. C’est chercher à obtenir un accord et le valider.
Alors, comment y arriver ? En s’écartant de la seule idée du débat et de la discussion. Il s’agit de trouver un chemin vers un accord. L’expérience montre qu’il y a quelques conditions à respecter pour avancer ensemble et converger vers un compromis satisfaisant : il y a d’abord un temps pour comprendre, ensuite un temps pour convaincre et enfin l’expression de la volonté de concrétiser. D’où l’idée des 3C de la négociation : Comprendre, Convaincre, Concrétiser.
Ça parait simple et logique, mais la mise en œuvre du processus fait l’objet de dérives, de malentendus, d’approximations. Chaque phase suppose des exigences, une certaine discipline et une bonne compréhension réciproque.
COMPRENDRE
Commençons par le temps de comprendre : c’est la phase de consultation (à l’instar du médecin qui consulte). Dans les relations client/fournisseur, c’est ce qu’on nomme la phase « découverte ».
Il s’agit de questionner, d’écouter, de comprendre, de collecter de l’information, parfois de recouper ces informations. Ce qui est en jeu, c’est l’accès aux intentions de chaque acteur. Quels sont leurs intérêts, leurs attentes. L’accès à l’autre est une réalité complexe, un mélange d’éléments factuels (sa situation) et une dimension émotionnelle (ses craintes, ses envies, son inquiétude, ses impatiences…). La consultation, c’est le temps de la mise en œuvre de l’attitude d’empathie. Rechercher une compréhension mutuelle, prendre en compte le ressenti dans la perspective d’en tenir compte. Avoir le souci de la reformulation pour garantir de la confiance dans le partage.
Au sortir de cette phase, plus ou moins bien menée (la discussion, la réfutation n’y ont pas leur place), des propositions doivent venir sur la table.
Deux stratégies sont possibles : prendre l’initiative de faire les premières propositions ou laisser venir des propositions de son ou ses interlocuteur(s). Dans les démarches dites de co-construction, les propositions réciproques sont mises sur la table pour être analysées en commun.
CONVAINCRE
On parle ensuite d’un moment pour convaincre : dès qu’une ou des propositions se dégagent de la maïeutique de la consultation, le moment est venu de la discussion, de la confrontation. Ce n’est plus la métaphore du médecin qu’il faut convoquer, mais celle de l’avocat.
Il s’agit d’argumenter, de réfuter… bref, de convaincre. L’emprise rhétorique sur cette phase est la règle. Certaines personnes maitrisent mieux que d’autres cet exercice dialectique. Car oui, il y a un art du débat. C’est aussi un choc des convictions (croire dans sa mission, son projet, son produit), une épreuve éthique (respect de l’autre, de la relation, honnêteté, sincérité). La dérive dans la polémique est un risque, comme le conflit de personnes (sortir de l’objet de la négociation pour s’en prendre à l’intégrité des acteurs).
Dans les pratiques de co-construction, il y a un régulateur (à l’instar des sports avec un arbitre) mais dans bien des négociations, ce sont les acteurs eux-mêmes qui doivent canaliser, temporiser, rassurer, recadrer les échanges.
L’objet de la discussion, c’est de faire apparaître les points d’accord, les sujets à revoir, les améliorations possibles. Discuter c’est travailler à ajuster, à faire bouger les lignes tout en avançant vers une décision.
C’est une étape clé car c’est cette étape qui projette ou non dans la phase concrétisation, c’est-à-dire la tentative d’élaboration de l’accord (le « closing » des commerciaux).
CONCRÉTISER
Dans les cas complexes, la concrétisation, ça se « tricote ». Cette phase exige du pragmatisme, du réalisme et par-dessus tout une volonté constructive. C’est une alchimie de concessions et de contreparties qui font sens. Dans les meilleurs des cas, on crée de la valeur, on est dans un mode « win-win », on aboutit à une décision enrichie, souvent équilibrée dans ce cas. Dans les cas moins heureux, une négociation se termine par une concession obtenue à l’arrache mais source d’estime ou de respect. C’est le cas dans les contextes de conflictualité, de rapports de force très asymétriques dans un contexte de préjudices (« ça aurait pu être pire, on ne s’en tire pas trop mal… »).
Dans la phase concrétisation, on boucle en quelque sorte avec la phase de consultation : quels intérêts ont été respectés ? Est-ce que les personnes ont préservé leur relation ? Est-ce qu’un certain équilibre a été pris en compte dans la décision finale (Talleyrand recommandait avec bon sens de savoir ne pas trop tirer profit d’un avantage acquis).
C’est donc cela le concept des 3C. L’idée de négocier se nourrit avantageusement de ces trois dispositions : un temps pour Comprendre, un temps pour Convaincre et suffisamment de volonté et d’énergie pour Concrétiser, c’est-à-dire construire un accord équilibré.
Lionel Bellenger, auteur de Négociez comme un pro (ESF Sciences Humaines, 2023)
© ESF Sciences Humaines 2019 . Tous droits réservés . Mentions Légales . cgv . Confidentialité